
La bataille de Saint-Denis : mourir en vainqueur
Le 10 novembre 1567, aux abords de Saint-Denis, la France vit l’un de ces affrontements symboliques où l’histoire bascule. Paris est assiégée par les troupes protestantes, menées par Louis de Condé et l’amiral de Coligny. Face à eux, le connétable Anne de Montmorency, âgé de soixante-quatorze ans, rassemble les forces royales pour défendre la capitale.
Sous un ciel d’automne lourd et bas, les tambours battent la charge. Les milices parisiennes, fières mais mal préparées, s’élancent contre les arquebusiers huguenots retranchés dans les faubourgs. La bataille tourne vite à la confusion : la fumée des armes à feu, les clameurs des cavaliers et le fracas des piques transforment Saint-Denis en champ d’apocalypse.
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Un duel de chefs et de croyances
Cette bataille n’est pas qu’un affrontement militaire : elle oppose deux conceptions du royaume.
Montmorency, catholique fervent, représente l’ordre monarchique, la fidélité au roi Charles IX et à la régente Catherine de Médicis.
Condé et Coligny, figures du parti protestant, incarnent la revendication d’une liberté de conscience, un idéal nouveau qui fissure la France.
La disproportion des forces est flagrante : 10 000 soldats royaux, dont 6 000 Suisses aguerris, contre 2 700 huguenots. Et pourtant, la victoire royale se paie au prix du sang. Montmorency, refusant de battre en retraite, charge une dernière fois. Un coup de pistolet dans le dos le terrasse. Transporté à Paris, il meurt deux jours plus tard. Son dernier mot aurait été : « J’ai fait mon devoir. »
Contexte historique : la deuxième guerre de Religion
La bataille de Saint-Denis s’inscrit dans la deuxième guerre de Religion (1567–1568).
Après la « Surprise de Meaux », tentative manquée des protestants d’enlever le roi, la méfiance règne partout. Le royaume se divise, les alliances se brouillent, et les nobles oscillent entre fidélité religieuse et survie politique.
Cette guerre, comme les suivantes, ne résoudra rien. La paix fragile de Longjumeau (1568) précédera d’autres massacres, jusqu’à la terrible Saint-Barthélemy de 1572.
Une anecdote méconnue : le casque du connétable
Selon un témoignage du chroniqueur Brantôme, le casque que portait Montmorency ce jour-là — un bourguignot d’acier ciselé — fut retrouvé cabossé mais intact après la bataille. Conservé un temps dans la basilique de Saint-Denis, il aurait mystérieusement disparu pendant la Révolution.
Des rumeurs prétendent qu’il se trouverait aujourd’hui dans une collection privée à Genève, acquis au XIXᵉ siècle par un antiquaire suisse. Une relique silencieuse du dernier grand chevalier de France.
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Conclusion
La bataille de Saint-Denis ne fut pas une victoire éclatante, mais un tournant symbolique.
Avec Montmorency s’éteint l’idéal du chevalier médiéval, celui qui meurt l’épée à la main pour le roi et pour Dieu.
Dans la fumée de Saint-Denis s’annonce déjà un autre temps : celui des États, des intrigues et des guerres modernes.








