
Au cœur du Bade-Wurtemberg, dans un paysage encore rural dominé par les méandres du Danube, s’est déroulé l’un de ces combats que l’histoire générale oublie parfois, mais que les militaires connaissent comme un modèle d’audace tactique. Le 11 octobre 1805, à Haslach-Jungingen, une seule division française, celle du général Pierre Dupont de l’Étang, tient tête à une force autrichienne quatre fois plus nombreuse. Un épisode bref, violent, héroïque, qui va contribuer à sceller le destin de la campagne d’Ulm et, indirectement, préparer le triomphe d’Austerlitz.
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Un contexte stratégique explosif
Nous sommes en 1805. La Troisième Coalition, regroupant l’Autriche, la Russie, Naples et le Royaume-Uni, espère enrayer l’expansion du jeune Empire français. L’armée autrichienne, sous les ordres du général Mack, s’est retranchée à Ulm, pensant surprendre Napoléon en Allemagne du Sud. Mais l’Empereur a déjà manœuvré sa Grande Armée dans une vaste roue stratégique, fondant sur les arrières ennemis.
La division Dupont, 16 000 hommes environ, se retrouve cependant isolée lors de ces mouvements rapides. Sa mission : reconnaître, fixer et retarder les forces ennemies. Mais près de Haslach-Jungingen, elle tombe sur rien de moins que 60 000 soldats autrichiens commandés par l’archiduc Ferdinand et le général Werneck.
Une rencontre théoriquement fatale.
Les personnages principaux : Dupont et Ferdinand
Pierre Dupont de l’Étang, futur héros et futur malheureux responsable de Baylen, est alors un général réputé pour son calme et son sens tactique. Ses supérieurs savent qu’il peut tenir un terrain, même dans des conditions difficiles. Son sang-froid à Haslach va le confirmer.

Face à lui, l’archiduc Ferdinand d’Autriche, prince guerrier et jeune figure montante des Habsbourg, commande une masse humaine impressionnante, encore sûre de sa supériorité numérique. Convaincu que Dupont va chercher à fuir, il néglige d’organiser une enveloppe disciplinée. Une erreur fatale.
Une bataille à contre-courant
Le combat s’ouvre dans le fracas de l’artillerie autrichienne. Dupont comprend immédiatement que la retraite signifierait l’anéantissement. Alors, au lieu de se disperser, il concentre ses troupes, resserre ses lignes et mène plusieurs contre-attaques éclairs. Les régiments français, notamment le 9ᵉ léger et le 32ᵉ de ligne, repoussent les assauts avec une discipline exemplaire.
Puis vient le moment décisif : la charge. Dans un geste audacieux, presque désespéré, Dupont ordonne une attaque frontale sur les points faibles identifiés dans le dispositif autrichien. Les Français percent, bousculent les bataillons ennemis et brisent temporairement leur cohésion. L’archiduc Ferdinand doit ordonner un repli pour éviter la déroute.
L’impossible vient d’être accompli.
Anecdote originale : le moulin qui sauva la division
Un détail rarement évoqué dans les récits populaires concerne le vieux moulin de Jungingen, qui joua un rôle inattendu. Transformé en position improvisée, il servit de bastion à un détachement français qui, pendant plus d’une heure, repoussa toutes les tentatives autrichiennes de débordement. Les soldats, protégés par les murs épais et utilisant les sacs de farine comme parapets, tinrent si longtemps que les Autrichiens crurent avoir affaire à un régiment complet. Cet « effet de masse » psychologique contribua à faire hésiter plusieurs colonnes ennemies… offrant à Dupont les minutes nécessaires pour réorganiser sa ligne.
Un simple moulin, mais un impact décisif.
Un résultat aux conséquences immenses
Haslach-Jungingen n’est pas une victoire totale, mais une victoire tactique éclatante. Dupont, loin d’être écrasé, inflige des pertes sévères et ralentit l’armée autrichienne, perturbant totalement ses plans. Quelques jours plus tard, Mack se retrouve encerclé dans Ulm et capitule. Le chemin vers Austerlitz est grand ouvert.
Cette bataille prouve une vérité intemporelle : le génie tactique et la détermination peuvent renverser les rapports de force les plus défavorables.








