
Une victoire peut-elle être pire qu’une défaite ?
Le 9 novembre 1870, dans la campagne glacée du Loiret, l’armée de la Loire livre son premier grand combat depuis le désastre de Sedan. Face aux Bavarois qui tiennent Orléans, soixante mille Français mal équipés – gardes mobiles, francs-tireurs et volontaires – se lancent à l’assaut.
Contre toute attente, ils percent les lignes allemandes. Les Bavarois reculent, abandonnent Coulmiers, puis Orléans.
La République exulte : enfin une victoire !
Les cloches sonnent dans Paris assiégé, les journaux triomphent, les drapeaux se dressent à nouveau. Mais l’euphorie masque la vérité : les munitions manquent, les troupes sont épuisées, et la machine de guerre prussienne n’a fait que reculer pour mieux frapper.
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🎖️ Les protagonistes de Coulmiers
🔹 Le général Louis d’Aurelle de Paladines
Ancien officier d’Empire, catholique et monarchiste, il n’incarne guère la République qu’il sert. Pourtant, c’est lui qui mène l’armée de la Loire avec rigueur et prudence. Son plan à Coulmiers est audacieux : surprendre les Bavarois par un mouvement tournant, soutenu par l’artillerie.
🔹 Le prince Luitpold de Bavière
Commandant des troupes bavaroises, il subit la foudre française ce jour-là. Pris de court par la vigueur de l’attaque, il ordonne la retraite sur Orléans, conscient que la position est intenable.
🔹 Les soldats de la Loire
Paysans, étudiants, artisans – souvent mal entraînés mais portés par un souffle patriotique. Beaucoup combattent pour la première fois, avec des armes disparates et des uniformes incomplets. Leur courage compense un matériel dérisoire.
🕰️ Le contexte : une République acculée
Après la chute du Second Empire à Sedan (septembre 1870), la Troisième République naissante doit affronter seule l’envahisseur prussien. Paris est encerclé, le gouvernement s’est réfugié à Tours.
L’armée de la Loire, formée à la hâte, symbolise l’espoir du pays. Coulmiers est sa première victoire, mais elle arrive trop tôt, sans préparation ni soutien logistique. Trois semaines plus tard, von Moltke contre-attaque avec une armée deux fois plus nombreuse : Orléans retombe, et avec elle, le dernier espoir d’une contre-offensive française.
💡 Anecdote méconnue : le pigeonnier de la victoire
Une rumeur, attestée par des journaux de l’époque, raconte qu’un pigeon voyageur, porteur du message annonçant la victoire de Coulmiers, aurait été intercepté par les Prussiens près de Chartres. Ce retard de communication explique en partie pourquoi les renforts français n’ont jamais pu arriver à temps pour consolider la victoire.
Ce détail, presque anecdotique, illustre la fragilité de la guerre moderne naissante : à l’heure du télégraphe, le sort d’une bataille pouvait encore dépendre… d’un oiseau
📚 Pour aller plus loin
🪙 Conclusion
Coulmiers reste un paradoxe historique : une victoire qui sonne comme une illusion.
Elle prouve que la France pouvait encore se battre, mais révèle aussi les limites d’un pays en pleine désorganisation.
Un instant de gloire suspendu entre héroïsme et désillusion — un écho poignant de cette guerre qui, dans sa défaite, allait façonner la mémoire républicaine.









