
L’Auld Alliance : le pacte indestructible qui unit la France et l’Écosse depuis 1295
- Histoire
- 26 novembre 2025
Le 23 octobre 1295, au cœur du Paris médiéval, un traité inattendu voit le jour : l’Auld Alliance. Signé entre Philippe le Bel et les représentants du royaume d’Écosse, ce pacte transforme le destin européen. Face à un ennemi commun, l’Angleterre d’Édouard Ier, deux nations décident de lier leur sort dans une fraternité d’armes qui traversera les siècles. Ce n’est pas seulement une alliance militaire : c’est un engagement de loyauté, une entente politique, et bientôt une relation culturelle unique dans l’histoire européenne.
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Un contexte européen sous tension
À la fin du XIIIᵉ siècle, l’Europe médiévale est en pleine recomposition. Les grandes monarchies s’affrontent pour le contrôle des territoires, des ports et des routes commerciales. La France, dirigée par Philippe IV le Bel, cherche à affirmer sa puissance, tandis que l’Angleterre multiplie les campagnes pour étendre son influence continentale. Au nord, l’Écosse vit dans la menace permanente. Depuis plusieurs décennies, les rois écossais — dont Guillaume le Lion, puis Alexandre III — tentent de préserver l’indépendance du royaume face à la tentation hégémonique anglaise.
Lorsque la mort d’Alexandre III plonge l’Écosse dans une crise de succession, Édouard Ier d’Angleterre cherche à imposer sa tutelle. Les nobles écossais, divisés, voient dans la France leur meilleure chance de résister. C’est dans ce contexte de tension militaire et politique qu’émerge l’idée d’un pacte entre Paris et Édimbourg. La France y trouve également son intérêt : encerclée par les ambitions anglaises, elle a tout à gagner à ouvrir un second front au nord de son adversaire.
Les personnages principaux : Philippe le Bel et Guillaume le Lion
Bien que Guillaume le Lion soit mort en 1214, c’est sous son règne que s’esquissent les premières tentatives d’alliance franco-écossaise. Sa résistance face aux ambitions anglaises inspire les générations suivantes et contribue à façonner une tradition diplomatique favorable à la France.
Philippe le Bel, quant à lui, est l’un des souverains les plus puissants d’Europe. Rigoureux, autoritaire, réformateur, il comprend parfaitement l’importance stratégique d’une alliance solide au nord de l’Angleterre. Le traité de 1295, signé par ses représentants et les émissaires écossais, est l’une des pierres angulaires de sa politique extérieure.
Du côté écossais, c’est le Conseil des Gardiens du Royaume — une institution temporaire chargée d’assurer la continuité du pouvoir — qui négocie le pacte. Parmi eux, des figures comme John Comyn ou William Fraser, évêque de St Andrews, jouent un rôle clé. Ces hommes savent que l’avenir de l’Écosse se joue désormais à l’international.
Un pacte simple, mais redoutable
L’Auld Alliance repose sur un principe limpide :
si l’Angleterre attaque l’un des deux royaumes, l’autre doit réagir immédiatement.
Ce mécanisme de défense mutuelle oblige l’Angleterre à répartir ses forces et limite ses ambitions. Rapidement, l’alliance se transforme en véritable fraternité d’armes. Les Écossais participent aux campagnes françaises, notamment lors de la guerre de Cent Ans. Plusieurs milliers d’archers et de combattants venus de clans écossais soutiennent les armées françaises lors des grandes batailles médiévales.
L’exemple le plus célèbre reste peut-être celui de la bataille de Baugé, en 1421, où la charge écossaise contribue à une victoire éclatante contre les Anglais. Ce jour-là, la mort du duc de Clarence — frère d’Henri V d’Angleterre — marque les annales.
Une anecdote méconnue : les funérailles d’un roi français… en Écosse
L’Auld Alliance n’a pas seulement produit des alliances militaires : elle a nourri des gestes symboliques étonnants. L’un des plus frappants concerne le roi de France Charles VII.
En 1448, il autorise un contingent de nobles écossais à emporter avec eux un fragment de son cœur pour l’enterrer à Saint-Andrews, en Écosse. Ce symbole puissant, aujourd’hui largement oublié, témoigne de l’intensité affective de la relation entre les deux nations. Ce n’est pas seulement un geste diplomatique, mais un acte de gratitude envers les Écossais tombés pour la France durant la guerre de Cent Ans.
Une alliance culturelle autant que militaire
Au fil des siècles, l’Auld Alliance dépasse le cadre politique. Échanges universitaires, mariages nobles, circulations de soldats et de marchands créent un véritable pont entre les deux peuples. Des centaines d’Écossais s’installent en France, notamment en Guyenne et en Bretagne. La fameuse Garde Écossaise, unité d’élite fondée au début du XVe siècle, devient la garde personnelle des rois de France et servira jusqu’à la Révolution.
À l’inverse, les influences françaises marquent la culture écossaise, notamment dans la justice et l’organisation militaire. Cette alliance, bien qu’affaiblie après le XVIᵉ siècle, continue d’exister de manière symbolique. Aujourd’hui encore, certaines universités écossaises évoquent ce lien historique dans leurs archives, et les célébrations communes demeurent régulières.









